Issue |
Histoire Epistémologie Langage
Volume 41, Number 1, 2019
La linguistique chinoise : influences étrangères entre XIXe et XXe siècles
|
|
---|---|---|
Page(s) | 3 - 5 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/hel/2019009 | |
Published online | 10 June 2019 |
Hommage
Jean-Claude Chevalier (1925-2018) et l’histoire de la linguistique
[Dessin de Pierre Vandevoorde]
On connait les grands axes d’une carrière brillante qui dura longtemps, vitalité aidant1. Grammairien, linguiste, historien, grand passeur des théories linguistiques, créateur de revues savantes, pédagogue attentif, acteur et observateur des institutions universitaires et éducatives, Jean-Claude Chevalier s’est inscrit dans la tradition des grands savants, tel Ferdinand Brunot (sur lequel il a beaucoup travaillé), qui ne séparaient pas leur œuvre de linguistes des préoccupations de la transmission et de leur inscription dans la société. On s’attardera ici sur son rôle d’historien de la grammaire et des sciences du langage avec ses dimensions académiques et institutionnelles.
L’historien était acteur de l’histoire. Fondateur de la revue Langue française en 1969, il vient de publier l’ouvrage issu de sa thèse Histoire de la syntaxe. Naissance de la notion de complément dans la grammaire française (1530-1750) (Paris, Genève, Droz, 1968). Jean Stéfanini commente cette publication dans le premier numéro de cette revue (1969, p. 110-115). C’est encore dans Langue française n° 15 (1972) que la problématique « Langage et histoire » apparait, sous la houlette de Chevalier et de Pierre Kuentz. Dans la présentation au titre homonyme, Chevalier s’intéresse d’abord aux diverses formes de l’oblitération de l’histoire dans la conception même de la langue chez Saussure et Chomsky avant de poser un constat en référence au n° 24 de Langages, dirigé par Julia Kristeva (« Épistémologie de la linguistique », 1971) : « Assez remarquablement, la réflexion sur les théories linguistiques a été jusqu’à maintenant délaissée » (Langue française n° 15, p. 13).
C’est cet abandon qu’il va rapidement réparer dès la fin des années 1970 aux côtés de Sylvain Auroux avec lequel il fonde la Société d’histoire et d’épistémologie des sciences du langage (SHESL) en 1978 et sa revue Histoire Épistémologie Langage en 1979. Ils dirigent ensemble le n° 46 de Langue française « Histoire de la linguistique française » (1980). Dans la présentation, fidèle à son orientation primordiale, Jean-Claude Chevalier évoque à maintes reprises l’« histoire de la grammaire », laissant à Sylvain Auroux « L’histoire de la linguistique » (titre de son article) et l’énoncé des « Éléments bibliographiques et informatifs », comme un passage de témoin qui s’annonce.
En effet, à partir de son séminaire sur l’histoire de la grammaire au département de recherches linguistiques de Paris 7 (avec Simone Delesalle et Pierre Kuentz), Jean-Claude Chevalier va fonder en 1984 l’Unité de Recherche « Histoire des théories linguistiques » (UA 381, CNRS/ Paris 7), devenue URA 381, en co-direction avec Sylvain Auroux de 1988 à 1992, ce dernier devenant directeur à partir de 1992.
S’il est un autre compagnonnage en histoire de la linguistique – et une direction de travail essentielle et complémentaire de Jean-Claude Chevalier – qu’il faut ici rappeler, c’est celui qui l’a réuni à Pierre Encrevé, disparu le 13 février de cette année. C’est dans le n° 63 de Langue française en 1984 qu’ils signent ensemble (cette livraison était dirigée par les deux) un article célèbre « La création de revues dans les années 60 : matériaux pour l’histoire récente de la linguistique en France », republié en 2006 dans Combats pour la linguistique, de Martinet à Kristeva. Essai de dramaturgie épistémologique (ENS éditions) où les deux compères s’interrogent sur ce devenir de la linguistique contemporaine « Vingt ans après » et sur leur projet d’« histoire sociale de la linguistique » (titre de ce n° 63). Que dire de plus, à travers ces 14 entretiens avec les plus grands linguistes français et le retour réflexif des deux auteurs que : nous avons tant appris ?
À ce rappel d’une partie de l’œuvre de Jean-Claude Chevalier, je joins mon hommage personnel à mon directeur de thèse et d’habilitation, mon ami aussi.
Je me permets de renvoyer à deux textes que j’ai écrits en hommage à Jean-Claude Chevalier (Langue française n° 201, mars 2019 et Le français aujourd’hui n° 204, mars 2019) ainsi qu’à celui de Gabriel Bergounioux (Le Monde, 24 décembre 2018). À l’occasion de son 70e anniversaire, des articles et un ouvrage ont paru en hommage (Histoire et grammaire du sens : hommage à Jean-Claude Chevalier, 1996, S. Auroux, S. Delesalle et H. Meschonnic dir., Armand Colin).
© SHESL/EDP Sciences